Samedi 9 janvier 2010
Après un décollage chaotique à Roissy sous la neige, 24 heures de voyage en comptant le RER et l’escale à Houston (pendant laquelle j’ai réussi à « violer une loi américaine » sans vraiment comprendre laquelle et sans même sortir de l’aéroport) je peux enfin m’allonger sur un lit ! Il est minuit ici, 7h du matin en France ! Je suis à Guatemala city !
Dimanche 10 janvier 2010
Mon voyage au Pérou de l’an dernier me donne une petite impression de déjà vu qui me rassure… Grâce à ce séjour dans la patrie des Incas, je peux aligner 3 mots et demi d’espagnol, certes, pas grand-chose, mais cela s’avère très utile lorsque l’on voyage seule à l’autre bout de la planète. Je retrouve l’ambiance Latine, sa musique, ses couleurs, ses paysages. La conduite est très typique aussi… quoi que un peu moins folle qu’à Lima malgré tout. Je m’accroche à mon siège dans le bus qui me conduit à Quetzaltenango, 2ème ville du pays, où je suis attendue par la famille Gonzalez de Garcia. Quetzaltenango, plus familièrement appelée Xela, est à plus de 2300 mètres d’altitude tout de même… Autant dire que les virages sont plutôt serrés sur ces routes de montagne…
Guatemala
La famille Gonzalez de Garcia se compose d’Aura, de son époux, de leurs 3 fils, ainsi que de Sandra, l’épouse de Daniel, le fils aîné, et Fatima leur fille de 2 ans. Tous sont très accueillants, muy simpaticos, mais j’avoue m’être vraiment demandé ce que j’étais venu chercher ici lorsque j’ai franchi le seuil de la maison. De quoi suis-je en quête exactement ? De la découverte du monde, des peuples qui le composent, acquérir une meilleure connaissance des autres, et donc, de soi… Moi qui voulais un « éloignement » en solitaire et un changement radical, c’est plutôt bien réussi ! La maison est composée d’une petite cour centrale, dans laquelle il faut passer pour se rendre d’une pièce à l’autre. Toutes sont indépendantes, et donnent sur le dehors. Les conditions de vie sont plutôt précaires. Se retrouver dans une famille qui n’a pas du tout les mêmes « codes » que la mienne, sans pouvoir s’exprimer est très difficile mais l’expérience sera à coup sûr très enrichissante. Je découvre los frijoles, espèce de haricots noirs que l’on sert à tous les repas en purée, ou pour étaler sur les tortillas, et j’apprends à dire bon appétit quand l’assiette est finie…
Mardi 12 janvier
Ce que j’apprécie particulièrement ici, c’est que je peux vivre au présent, oublier mon quotidien en France, ne pas penser à ce qui passera ensuite. Demain est un autre jour…
Après mon cours avec Elisa, je découvre « Los vahos », sur les hauteurs de la ville. Je suis en compagnie de 3 américains, et d’Edwin, un guatémaltèque qui nous sert de guide pour l’après-midi. Une heure de grimpette à 3000 mètres d’altitude ! Certains volcans aux alentours de Quetzaltenango sont encore en activité. La balade est assez difficile, mais offre des paysages de montagne impressionnants. Au sommet, conséquence de l’activité volcanique de la région, on trouve des bains de vapeurs revigorants pour la peau.
Lundi 11 janvier
J’ai grelotté toute la nuit ! Il fait chaud la journée, dans les 25°, et très froid dès que le soleil passe derrière les volcans qui entourent la ville. J’ai rendez-vous à 8h pour un premier cours d’espagnol, ce qui devrait me faciliter la vie ici ! Ma maestra, Elisa, me fait également découvrir un peu la ville, très espagnole, mais marquée par une forte culture Maya. « El parque central » est l’endroit le plus apprécié de la ville. Colonnades, statuts, kiosques, y sont disposés et entourés d’arbres qui offrent leur ombrage appréciable. La cathédrale, édifiée peu de temps après l’arrivée des espagnols en 1523, s’y trouve également.
Vendredi 15 janvier 2010
Je suis maintenant bien habituée à la vie d’ici. Je connais également mieux la ville, et la famille qui m’héberge. Je ne vais pas dire que les œufs aux frijoles servis presque tous les soirs me manqueront quand je serais de retour en France, mais disons que c’est devenu une habitude qui ne me dérange pas. Je peux aussi mieux m’exprimer… Enfin, disons plutôt me faire comprendre de manière très basique…
Aura me fait manger pour 2, Daniel me pirate des logiciels, et Alexis, 2ème fils de la famille, ado de 18 ans qui s’ennuie en attendant la reprise de la Fac passe pas mal de temps avec moi. Il comprend bien mon espagnol précaire, et prend un malin plaisir à se moquer de mes « r » ou à mettre mon téléphone en espagnol… Une française en la casa… Je suis un peu l’attraction à domicile.
Il y a un petit festival à Chiquilaje, un village des environs, je m’y rends avec Elisa.
Ce festival est un hommage au Cristo Negro de la ville d’Esquipulas. En 1595, un sculpteur portugais réalisa une sculpture du Christ, exposée dans l’église d’Esquipulas. Avec le temps, cette sculpture est devenue noire. Vers 1730, l’archevêque, Pedro Pardo y Figueroa, très malade, se rendît dans cette église. On raconte qu’il en sorti totalement guéri.
Samedi 16 janvier
Le lac Atitlan, à une heure et demi de Quetzaltenango, est parait-il l’un des plus beaux d’Amérique centrale. Le cratère d’un volcan s’est effondré, et rempli d’eau, formant le lac à 1500 mètres d’altitude. Trois autres volcans entourent le lac, le Atitlan, le Toliman, et le San Pedro.
Dimanche 17 janvier
Après la nuit à Panajachel, je découvre Chichicastenango et son marché très réputé.
Les marches de l’église Santo Tomas, sont le théâtre de pratiques religieuses, mélange de catholicisme, protestantisme, et rituels Mayas. En ce dimanche, on peut assister à une célébration pour Santo Tomas, ou pour Santo Simon, saint réputé pour boire et fumer… Sur les hauteurs de la ville, on peut également assister aux cérémonies Mayas…Les fidèles sont répartis autour d’un cercle représentant la terre. Le ciel et le monde souterrain, ou obscur sont les 2 autres entités importantes pour les Mayas. La terre, créée par les dieux, est fragile, et les offrandes sont essentielles pour la protéger. (Selon leurs calculs en fonction des cycles solaires et lunaires, les mayas prévoient d’ailleurs la fin du grand cycle du temps et de la terre pour 2012). Les éléments sont également représentés : le Maïs pour la terre, un poisson pour l’eau, un lézard pour le feu, et un oiseau pour l’air sont disposés au centre. Des chandelles de couleur représentent les peuples de la terre : rouge pour les indigènes, noir pour les Africains, jaune pour les asiatiques, et blanche… pour les blancs… Elles sont disposées aux points cardinaux. Pendant la cérémonie, l’encens est dispersé, et des prières et incantations sont dites en honneur aux différents dieux Mayas.
Jeudi 21 janvier
J’ai maintenant des cours d’espagnol avec Edwin. Passionné d’art et d’histoire, il en profite pour me faire visiter les musées et monuments de la ville. Je me familiarise avec la culture Maya, très réputé, mais aussi très mal connue…
Avec d’autres étrangers « étudiants » en langues, nous passons l’après-midi à « Las fuentes Georginas », les sources thermales à quelques kilomètres de la ville. Les eaux très chaudes et chargées en souffre, descendent du volcan éteint : le Pico Zunil. L’atmosphère est plutôt mystérieuse et fantomatique… On ne peut voir le sommet du volcan dans la brume, et au milieu des plantes…
Samedi 23 janvier
Rendez-vous à 6h du matin avec un groupe d’une petite quinzaine de personnes pour réaliser l’ascension du plus haut sommet d’Amérique Centrale : le volcan Tajumulco qui culmine à 4200 mètres d’altitude. Notre groupe est composé de Miguel, surnommé « el perro » « le chien »… qui sera le guide l’expédition, et des autres élèves d’espagnol. Nous venons des Etats-Unis pour la majorité, du Danemark, de Hollande, de Suisse, je suis la seule Française. Nous pouvons parler 5 langues, ambiance auberge espagnol, sauf que l’auberge ce sera sacs à dos et tentes…Après environ deux heures de bus local, et donc folklorique, nous arrivons devant le « mur » que représente le Tajumulco… J’ai très peur de ne jamais voir le sommet, mais je sais que c’est une expérience unique… L’ascension est extrêmement difficile et nécessitera dans les 5h de « marche » en pente douce avec nos sacs à dos. Le manque d’oxygène se fait sentir très vite. Je me sens bien en altitude, j’en ai eu l’expérience au Pérou, mais quand il s’agit de monter, j’apprécie tout de suite beaucoup moins… J’ai l’impression que je vais exploser.
JNous installons notre campement à environ 200 mètres du sommet, au milieu des pins, et des plantes qui sont exploités pour être transformées en héroïne… Nous pouvons admirer le coucher du soleil, de bien au dessus des nuages que nous voyons en contrebas. Il peut faire environ moins 5 la nuit à cette hauteur… Nous bivouaquons autour du feu. L’expérience valait bien les efforts de la journée ! Dormir sur les flancs d’un volcan…
Dimanche 24 janvier
La nuit est très froide, et plutôt courte… Nous sommes réveillés vers 4h30 par el perro. C’est l’heure de se remettre en route si nous voulons admirer le lever de soleil depuis le haut du volcan… Les 200 derniers mètres sont un véritable calvaire pour moi. Escalader des pavés énormes à plus de 4000 mètres d’attitude, dans le noir, par une température proche de zéro est sans doute l’une des dernières choses que j’aurais pensé faire dans ma vie. J’y suis arrivée !!! J’en suis plutôt fière ! Le haut du volcan est déserté de la moindre végétation, cela donne un paysage lunaire, renforcé par le faible éclairage des premières lueurs de l’aube. Je grelotte et je suis dans un état de fatigue que j’ai rarement connu, mais je réalise ma chance d’être ici… Mes photos sont les plus méritées que je n’ai jamais réalisées à ce jour. Je ne sais pas si elles sont les meilleures, mais elles sont en tout cas celles qui valent le plus cher, et le resteront sans doute pour un moment ! Je ne peux pas vraiment décrire de paysage… C’est trop immense, et il est impossible de pouvoir imaginer sans voir… Les mots et les même les photos ne peuvent pas être représentatifs de la grandeur ressentie ici.
Le soleil est levé, la température devient acceptable, il faut maintenant redescendre… Comme c’était prévu, c’est également très difficile… Rien de tel pour se rompre les os… Beaucoup moins éprouvant pour le rythme cardiaque, mais terrible pour les jambes. Avec la fatigue accumulée, mes rotules sont moins assurées. Vive les dérapages plus ou moins contrôlés ! J’ai vraiment le sentiment d’avoir tout livré, d’être allé au maximum de ce que je pouvais donner.
Jeudi 28 janvier
La vie à Quetzaltenango se poursuit. J’en suis maintenant à commander mes œufs-frijoles dans les restaurants, et à me demander si je vais en trouver en France, car finalement, c’est un vrai sevrage qu’il va me falloir… Je sais… j’ai l’air de beaucoup me balader…et c’est le cas, mais dans le même temps, grâce à Elisa et Edwin, j’ai obtenu mon diplôme de niveau 3 en langue espagnole (intermédiaire).
Je vais bientôt aborder la 2ème phase de mon séjour, mais avant… un petit groupe de 6 personnes s’est formé. Nous décidons à la dernière minute de partir en « exploration » quelques jours…
Edwin organise tout (transports, hébergements…) en 2h, et nous partons le soir même. La palme des conneries du jour lui revient également sans conteste… Après avoir renversé un litre de jus de fruit dans le microbus (ça c’était la partie plutôt marrante) il nous fait un arrêt respiratoire d’environ une minute interminable. La nuit se poursuit sans autres événements dans le bus.
Vendredi 29 janvier
Nous arrivons vers 7h30 tous assez fatigués après la nuit en bus, sur le site de Semuc Champey, dans la région de Coban. Les chutes d’eaux se succèdent, et se déversent dans des vasques naturelles formées par le rio Cahabon. La rivière est entourée par la forêt tropicale où l’on entend toutes sortes d’animaux et d’oiseaux. Une partie de la rivière se trouve sous terre… Une visite dans les grottes est possible accompagnée d’un guide.
Sans le savoir, je m’apprête une fois encore à réaliser quelque chose que je n’aurais jamais fait en temps normal… Convaincue par Blanca, la Hollandaise, nous tentons l’expérience de la visite sous terraine… Elle se passe en maillot de bain, et avec des bougies… Je n’ai malheureusement aucunes photos, puisqu’il est absolument impossible d’emmener un appareil. Nous nous enfonçons dans la grotte inondée, sans les bougies, le noir est complet. Nous montons par des échelles, redescendons. A ce moment là, je ne comprends pas encore l’intérêt d’être en maillot de bain, car l’eau n’est pas profonde… Arrive le moment où ça se complique… va falloir nager, escalader, passer sous une chute d’eau… Des bassins naturels se forment, de plus en plus profonds, nous n’avons plus pieds pour certains passages… Je ne dirais jamais assez merci à Kyle, qui m’a récupérée dans un trou d’eau assez profond pour pouvoir y plonger. Nos pieds heurtent les roches dans les passages étroits, une vraie excursion de spéléologie ! Autant dire que j’ai noyé ma bougie autant de fois que nous n’avons plus eu pieds… L’expérience n’est pas banale, et assez dangereuse… Nous nous en sortons tous avec quelques écorchures.
Samedi 30 janvier
Dès le matin, nous commençons notre visite de Tikal, cité Maya née vers 700 avant JC, classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Le centre cérémonial et les temples sont les mieux conservés de l’histoire Maya. La jungle tropicale a recouvert la cité, et certains temples et acropoles n’ont été mis à jour que depuis quelques dizaines d’années. La plupart on été réalisés entre 720 et 820 après JC. On peu voir certaines constructions émerger de la jungle, peuplée par une faune nombreuse et variée, qui se montre peu, mais se fait entendre.
Nous passons la nuit à Rio Dulce, en bordure du lac Izabal, a environ 4h de route de Tikal.
Dimanche 31 janvier
La journée commence par une balade sur le Rio Dulce. Un peu comme en Amazonie, les habitations sont en bois, sur pilotis, et la population se déplace en barque. Nous nous rendons jusque Livingston. Le contraste est saisissant dans cette ville… Il y a la rivière d’un coté, par laquelle nous sommes arrivés, et la cote Caraïbe de l’autre. En à peine quelques mètres, le paysage change complètement. Jungle tropicale et rivière, et ambiance plage et cocotiers se côtoient. La population également est différente. La cote est habitée par une population noire, appelée Garifuna. Les Garifunas sont les héritiers des esclaves venus d’Afrique sur les navires négriers.
La pluie nous accompagne pour le retour vers Rio Dulce… Et la pluie dans une barque, c’est pire que de passer sous la douche habillé… Nous sommes noyés intégralement… Nous devons impérativement revenir à Quetzaltenango ce soir… Mes vêtements sont inutilisables… Pour finir le voyage, j’ai le choix entre le maillot de bain de Blanca, ou un vieux jean troué d’Edwin beaucoup trop grand… Je choisis le jean… Nous sommes à Quetzaltenango vers 1h du matin, fatigués au possible, mais très satisfaits de notre petite virée.
Mercredi 3 février
C’est aujourd’hui que débute ma « mission ». Ce matin, j’ai officiellement rendu ma chambre à Quetzaltenango. J’ai un petit pincement au cœur, mais je pense y revenir passer mes derniers week-ends. Mon départ va se faire par « étapes », je ne sais pas si cela va le faciliter ou au contraire le rendre plus douloureux. Je me sens maintenant chez moi dans cette ville que j’ai apprivoisée. Je viens d’y passer un petit mois, ce qui est très court et très long à la fois… J’y ai vécu 3 phases : La première a été l’acclimatation, le sentiment d’être un peu perdue… (ça n’a pas duré) La 2ème était un peu « l’extase », car l’adaptation s’est faite, j’avais le temps devant moi, et j’étais insouciante, car pas encore d’attaches, ni avec le lieu, ni avec les gens. La 3ème phase, est celle où les habitudes sont installées, ou les liens se tissent, et ou on commence à s’attacher à des lieux, des rues, des gens, qu’il va falloir quitter…
Je prends un bus pour Cabrican, à 2h de route vers le nord, accompagnée par Miguel, « el perro ». Je vais aller partager la vie d’une petite école dans un endroit complètement perdu à 2600 mètres d’altitude. Le but est d’essayer d’apporter mon expérience en Afrique, et je vais aussi en profiter pour voir comment s’organise la scolarité dans une école au mode de fonctionnement proche de celui que je connais au Burkina. L’Amérique Latine et l’Afrique ont quelques ressembles… Un passé colonial, de multiples ethnies, et surtout, ce sont des civilisations ancestrales, aux pratiques et traditions encore bien présentes. On s’engouffre dans un chemin de montagne, la route n’est plus goudronnée… Je visite l’école, on m’y offre le repas de midi. Ici, les grandes vacances ont lieux en décembre- janvier. C’est donc la rentrée scolaire. J’assiste à la première réunion de l’année avec les parents d’élèves. La plupart des femmes sont en tenues traditionnelles, et les hommes ont le look ko-boy, le sombrero enfoncé sur la tête… La réunion débute, tout le monde est débout et reprend : « Santa Maria, madre de dios… » suivie de « Nuestro padre… » J’en suis un peu « choquée »… C’est une école publique…
Je comprends maintenant très bien l’espagnol si l’on me parle directement et pas trop vite… Mais m’intégrer dans une conversation, ou suivre une réunion, est très difficile… De plus, je perçois qu’ici le parlé est assez paysan, j’ai du mal à suivre… De temps à autres, ils parlent en Mam, une des langues Mayas. Je finis par m’ennuyer à mourir… A ce moment précis, je me sens très loin de chez moi, et de Quetzaltenango… Je suis partagée par l’envie de découverte, et celle de sauter dans le premier bus pour Quetzaltenango, j’ai subitement envie d’y rentrer tout de suite… Et voilà que les enseignants veulent me présenter… Je me retrouve avec un micro dans les mains devant une cinquantaine de personnes, en train de parler en espagnol… Autant dire que mon allocution fut brève…
Je vais loger chez l’un des enseignants, Gilberto, sa femme Marta, et leurs 2 filles de 4 et 5 ans, Delia et Elisa. Les conditions de vie sont assez précaires… Il n’y a qu’une pièce avec un fourneau et un lit dans un coin. L’évier est à l’extérieur. J’ai l’impression d’être une extra terrestre au moment où je demande de l’eau pour me laver… Marta me propose le robinet extérieur, et j’ai beaucoup de mal à lui faire comprendre que je préférerais un lieu un peu plus intime, seule avec mon seau d’eau… En effet, ici dans les campagnes, on prend des bains de vapeur. Chaque foyer dispose de son « sauna » traditionnel au charbon. Ça ressemble un peu à un four à pain… J’y vais avec mon seau d’eau et mon savon… La pièce se veut exigüe pour être chauffée rapidement, il faut y entrer à 4 pattes par un trou de souri, et on s’y tient assis sur une planche, pas possible de s’y tenir debout…
On me conduit à « mes appartements »… J’ai de la chance, car Marta confectionne des vêtements traditionnels, il y a un atelier, qu’elle a reconverti en chambre pour moi ! J’ai donc ma pièce privée, que je partage avec le métier à tisser.
Le repas du soir est composé de maïs, frijoles, et riz. La famille est très accueillante, et je me sens mieux après ce repas partagé. Je devrais pouvoir m’adapter. J’ai pris soin d’acheter mes cookies faits maison dans ma boulangerie préférée de Quetzaltenango avant de partir, simple précaution… Et j’apprécie ce petit dessert.
Vendredi 5 février
Je bénéficie d’un panorama superbe sur la montagne, avec vue imprenable sur le volcan Tajumulco. (que je préfère d’ailleurs nettement vu d’ici…)Le village est agréable et on ne peut plus typique… Les chemins sont en terre et les habitations sont traditionnelles. Depuis maintenant 3 jours, je me rends à l’école chaque matin. La classe a lieu de 8h30 à 12h30, les après-midi sont libres. Les élèves me sollicitent beaucoup, me posent tout un ta de questions sur mes origines lointaines, et un peu comme les petits africains, ils s’accrochent à mes bras, et veulent toucher ma peau blanche. Je suis assez surprise de constater que même les plus grands, dans la classe équivalant à peu près au CM2, ignorent totalement l’existence des 5 continents et des pays qui les composent. Ils ne savent pas qu’il y a le Mexique à coté, et qu’il existe un peu plus de 3 pays : Guatemala, Etats-Unis, et Espagne. Je ne suis de toute évidence pas Guatémaltèque… Si je ne suis pas non plus une « Gringa » des Etats-Unis, je suis donc forcement Espagnole… Le raccourcie est vite fait… L’Europe se limite au pays des conquistadors. C’est une bonne occasion de leur apprendre « le monde »… Cette expérience au village, dans cette petite école est exceptionnelle, mais j’avoue que c’est avec beaucoup d’impatience que je prends le premier bus pour Quetzaltenango dès la fin des cours…
Mardi 9 février
Après un week-end tranquille à Quetzaltenango et sur la côte pacifique, j’ai de nouveau pris un bus en partance pour Cabrican hier matin. J’apprécie d’être étrangère sans être touriste, et de bien connaitre les lieux… Je suis le seul visage pâle à la station de bus, qui se situe dans un des marchés de la ville.
A l’école les enfants m’accueillent en me disant « Bonjour ». Je ne peux plus faire un pas dans le village sans en avoir une dizaine derrière moi… A tel point que je dois m’enfermer à clé dans l’atelier-chambre pour pouvoir me changer, ou avoir un peu d’intimité… J’ai une ombre ici, la petite Elisa me suit partout… Jusque dans les « toilettes »… Chacun de mes gestes est épié.
A l’école, je continue l’étude du monde avec les enfants. Un petit groupe de filles est particulièrement intéressé. Elles me posent des questions très pertinentes sur l’existence, les origines, les différences de cultures, et le pourquoi de nos différences de couleur de peau…
Dans l’après-midi, Marta me propose de rendre visite à ses parents à 2h de marche dans la montagne. On croise pas mal de monde sur le chemin, je me demande comment il peut y avoir autant de vie dans un endroit aussi perdu et si difficile d’accès…
Mercredi 10 février
Depuis mon retour à Cabrican, lundi, je ne dors plus seule… Et oui, cela fait parti des choses qui arrivent…
Une dinde a élu domicile sous mon voisin : le métier à tisser… Et ce soir surprise ! Ma nouvelle copine bat des ailes, et voilà que ça fait pioupiou… J’assiste à la naissance de mes 10 nouveaux petits compagnons de chambrée… ! J’en connais qui vont se régaler à Noël prochain ! En attendant… j’espère qu’ils dorment bien :-D
Samedi 13 février
J’ai également une « colocataire » quand je reviens à Quetzaltenango pour les fins de semaines. Non… Pas une dinde ou autre animal cette fois… Une américaine… (La dinde c’est à Cabrican). Kirsten parle français, mais la plupart du temps, nous communiquons en espagnol, (avec un peu de mélange parfois) car nous sommes dans l’ambiance du pays… Après une soirée de « retrouvailles » hier soir avec toutes les personnes que je connais à Quetzaltenango, je pars pour Antigua avec Kirsten. Antigua est l’ancienne capitale du pays, à environ 40km de Guatemala city. Elle est une ville coloniale par excellence, fondée quelques années après l’arrivée des Espagnols. Les nombreux tremblements de terre dans le pays l’ont ravagée plus d’une fois, et lui ont laissés pas mal de ruines en héritage. Cependant, beaucoup de monuments, principalement des églises, ont bénéficié d’un programme de restauration, et ont été remises debout. Les rues pavées et les couleurs vives des façades font également le charme et la réputation de cette citée.
L’ascension du volcan Pacaya est un incontournable dans le secteur… Beaucoup moins difficile que le Tajumulco, puisqu’il n’est qu’à 2250 mètres, il offre une toute autre particularité, celle d’être en activité. Il crachote de manière permanente, et explose de temps à autre plus ou moins fort. Le cratère fume comme une cheminée. Après une heure d’ascension environ, nous pouvons voir les coulées de lave séchées. Un peu plus haut, il n’y a plus du tout de végétation… La lave recouvre entièrement le sol, il est alors moins facile d’avancer. Les roches formées par la lave sont très saillantes. La température se réchauffe. Quelques mètres encore, et… il fait vraiment très chaud ! Par les failles, nous pouvons voir la lave à à peine quelques centimètres sous nos pieds. On nous avait prévenues qu’il fallait des bonnes chaussures… Mais trop tard ! Kirsten n’a plus qu’une moitié de semelle ! L’autre a littéralement fondue. A certains endroits, la lave peut s’échapper, et couler… Très impressionnant… Pas très rassurant non plus… On nous a conseillé d’y aller à la tombée de la nuit, pour mieux admirer les couleurs…
La décente se fait dans le noir…
Demain, nous prévoyons de profiter tranquillement d’Antigua avant de repartir pour Quetzaltenango dans la soirée.
Mardi 16 février
A l’école de Cabrican, j’ai pris mes habitudes avec la classe de sexto du professeur Hilario, comme on le nôme ici. Aujourd’hui, les élèves répètent pour une fête qui aura lieu bientôt… Je constate qu’ils sont bien meilleurs musiciens que géographes… Juan Carlos et Jilmar, les 2 « agitateurs » de la classe en tête ! Je leur découvre une énergie et un talent de percussionnistes que je ne leur soupçonnais pas…
Des nouvelles des pioupious… Ils vont très bien, voire un peu trop ! J’ai deux nouveaux compagnons, les chiens de la famille m’adorent, me font une fête pas possible dès que j’arrive, et ont pris leurs aises…
Cette après-midi, balade aux alentours du village, toujours sous bonne escorte… Mes fidèles accompagnateurs ne me quittent pas d’une semelle…
Ce soir, j’expérimente le bain de vapeur ! A vrai dire, je n’ai pas vraiment le choix…
Samedi 20 février
Pas de volcans, pas de grottes inondées, pas non plus de dindons ce week-end… Je reste tranquille à Quetzaltenango, ce qui n’est pas arrivé souvent jusqu’ici…
Je suis en Amérique Latine… assister à une rencontre de football de l’équipe locale s’impose ! Avec Alexis, nous sommes juste au dessus des tambours et banderoles. Les feux d’artifices et fumigènes ne sont pas interdits ici… Mais je constate que le public est suffisamment discipliné pour ne pas en abuser, et arrêter au coup d’envoi. Pas de stadiés, mais en leur lieu et place, on trouve des vendeurs ambulants en tout genre, qui proposent posters du Real Madrid et du FC Barcelone, barbe à papa, tortillas, chewing-gums, bananes, glaces… Je me sens bien au milieu des Quetzaltecos. L’ambiance est encore conviviale, je me croirais revenue à Lens il y a une quinzaine d’année, du temps où venir au stade en France pouvait encore être une sortie familiale… A l’époque également ou le foot européen était encore un sport… Autant dire que les joueurs de première lingue guatémaltèques sont bien loin de gagner des millions, et n’ont rien à voir avec les businessmans, Bekam, Henry, Kaka ou Ronaldo… Coté match, avalanches d’occasions manquées, et score vierge…
J
Dimanche 21 février
Aujourd’hui, toute la ville se prépare pour une procession religieuse. Les trois fils de la famille, Daniel, Alexis et Walter, doivent participer aux festivités. C’est le centenaire de la consécration de l’image du Christ. Je ne sais pas bien ce que cela signifie… mais c’est un anniversaire très important ici, et les paroisses de tout le pays sont représentées. Durant tout l’après-midi et toute la soirée, un grand défilé a lieu dans les rues de la ville. Chaque paroisse se distingue par sa tenue… Tous défilent dans le plus grand silence… Les musiciens ferment la marche. Je suis très impressionnée par l’ampleur de la chose, c’est très intéressant à voir, mais j’avoue avoir un peu de mal à adhérer à ce genre d’excès religieux…
Mercredi 24 février
Le sujet de conversation récurant du jour porte sur le tremblement de terre ressenti hier… Vers 5h du matin, tout le monde s’est réveillé avec des secousses assez importantes. Je comprends maintenant pourquoi… Le tremblement a été enregistré à 5.7 sur l’échelle de Richter. Près de 800 tremblements de terre ont été enregistrés dans le pays depuis le début de l’année !!! Ils ne sont pas perceptibles en général… Toute l’Amérique Centrale est située sur une grande faille.
C’est mon dernier jour à Cabrican. Ultimes photos avec tout le monde, ultimes souvenirs avec la classe de sexto d’Hilario. Les élèves me manqueront, je connais maintenant tous les prénoms et les particularités de chacun. Je me demanderais surement de temps en temps si Juan Carlos s’est calmé, si Amilcar progresse un peu, si Sucely est première de la classe, ou si Alejo est toujours aussi curieux… Je fais mes adieux à tous, ainsi qu’à la famille de Gilberto. Finit les dindons et les tamalitos 3 fois par jours ! (les tamalitos sont le pain des Mayas. Une pâte à base de maïs que l’on écrase avec un peu d’eau). Mais le plus difficile ici n’a pas été le mode de vie, ni la nourriture. Non… le plus dur était de toujours être épiée… Ne jamais pouvoir être seule une minute au point de devoir demander la permission pour réussir à me changer, ou voir arriver 5 gamins hurlant pour jouer à cache-cache, et qui sont allé jusqu’à se cacher à coté de moi dans mon lit pendant que j’essayais vainement de dormir, fut extrêmement éprouvant… A part cela, je peux dire que je n’ai que des bons souvenirs ici. Se lever tous les jours avec le soleil et face à la montagne valait bien quelques petits désagréments.
Un dernier regard vers le village avant de monter dans le bus, direction Quetzaltenango pour la dernière fois.
Jeudi 25 février
Une dernière visite avant de quitter le Guatemala. San Andrés Xecul n’est qu’à quelques km de Quetzaltenango, et on peut y admirer l’église la plus célèbre d’Amérique Centrale. Cette édifice colonial n’a pas d’histoire particulière, c’est uniquement son apparence extérieur unique en son genre, qui lui vaut sa célébrité. Ses couleurs vives et ses décorations naïves lui ont values plusieurs couvertures de magazines de voyage.
Le village est resté très traditionnel, il est habité par les Mayas Quitchés. Les coutumes sont encore appliquées. La comadrona, sorte de chaman-sage-femme, est très demandée ici… Aujourd’hui elle rend visite à une femme sur le point d’accoucher. Elle appose ses mains sur le ventre de la patiente, et prodigue quelques prières en Quitché. Selon elle, tout semble aller bien pour le bébé. La patiente n’a pas confiance en la médecine moderne, et n’aurait de toute façon pas les moyens pour réaliser des échographies ou autres examens… C’est également la comadrona qui l’aidera le jour de l’accouchement.
Samedi 27 février
C’est avec tristesse que je m’apprête à quitter Quetzaltenango. Je viens de passer ma dernière nuit ici. Hier soir, Blanca m’avait organisé une petite soirée de départ après un repas typique. J’ai dit adieux à tout le monde. Le plus difficile est de quitter la maison d’Aura, la famille, la ville… Pour le moment, je ne peux pas dire si je reviendrais, l’avenir me le dira… Mais j’ai cette idée en perspective…
Kirsten est déjà partie hier soir, pour rejoindre les États-Unis. Je suis certaine de la revoir, car elle vient en France en novembre. Je suis proche de Blanca géographiquement, et nous avons déjà prévu qu’elle viendrait me rendre visite, et que j’irais en Hollande. Il y a également une assez grande probabilité de voir Elisa et Edwin débarquer à Paris dans les mois à venir. Cela me console un peu.
J’ai passé des moments intenses ici, qui resteront gravés pour toujours.
Le principal reproche que je pourrais faire à ce pays, est l’influence qu’il reçoit des états-unis, qui apporte ses armes à feu, ses évangélistes et ses mormons.
La musique en permanence, l’ambiance latine, les rues que j’ai arpentées tous les jours depuis presque 2 mois, le Parque Central, les marchés colorés, la bonne humeur des habitants, et surtout les gens que j’ai fréquentés me manqueront énormément.
Adios Quetzaltenango, adios Guatemala ! Dans quelques heures, je serais à Paris.