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En stop, sur les traces de Dracula…

 

 

1er août

Le départ est proche. La Roumanie.

 Je me souviens d’avoir étudié un extrait de Dracula avec M. Cardon en 3ème. « 15 mai. J’ai encore vu le comte qui sortait en rampant à la manière d’un lézard… » Ce court passage du roman de Bram Stocker et l’analyse que nous en avions faite en classe, m’avait fascinée. J’ai tout de suite acheté le bouquin que j’ai dévoré. « Transylvanie » « Carpates » sont des mots qui depuis ont une résonance un peu particulière dans ma tête. D’ailleurs, c’est le personnage de Jonathan Harker qui m’a donné l’envie d’écrire mon carnet quand je pars en voyage. J’y pense chaque fois que j’inscris la date du jour en haut de la page.

 

9 août

Arrivées sacs aux dos depuis la Hongrie, nous venons Cécile et moi de passer notre première nuit en Roumanie. Nous sommes à proximité d’Oradéa, première ville Roumaine après la frontière. Nous marchons maintenant sur les traces de Dracula. Nous allons nous rendre jusqu’à son château, ou du moins, celui qui inspira  Bram Stoker .Si l’écrivain a tout inventé, il s’est néanmoins inspiré de personnages et de lieux réels. Le but n’est pas d’emprunter le plus court chemin, mais d’y aller en profitant un maximum des paysages et en en profitant pour découvrir les Roumains, ces cousins latins que nous connaissons si mal.

La tente remballée, on part à pied vers Beiuş. Cela ne dure pas. Une voiture s’arrête à notre hauteur. 2 hommes d’un certain âge nous demandent où on va : « Beiuş, e possibl ? » ok ! On monte !  Les voitures s’arrêtent très fréquemment dans cette  partie de l’Europe, et le stop est pratique courante. Nous sommes encore à 50 km de Beiuş. On traverse la campagne. Nous sommes en bordure des monts Apuseni, c’est vallonné. On croise beaucoup de charrettes tirées par  des chevaux, beaucoup de piétons aussi. Des jeunes habillés comme nous, des hommes d’âge mûr avec costume et chapeau, de vieilles paysannes en jupe et fichu sur la tête.

 

La voiture nous dépose à Beiuş, puis nous prenons la direction de Turda à pied. C’est une petite route escarpée, nous abordons maintenant vraiment les monts Apuseni. Au sommet du col, un tracteur s’arrête, nous propose de monter dans sa charrette. Ça n’avance pas vite, mais l’expérience vaut le coup ! Un autre autostoppeur est déjà dans la charrette… Le tracteur nous dépose tous les 3 au même endroit. Nous faisons alors la connaissance de Virgile. Il est roumain, il dit être guide dans la région (le Bihor) qui regorge de grottes. Nous marchons un moment en sa compagnie. Nous nous comprenons dans un mélange de roumain, français, anglais. Il nous montre chacun des monts, les nomme, nous apporte des explications. Nous en avons vite plein les jambes et le dos (mon sac pèse tout de même 12kg). Virgile nous propose de nous  reposer chez des amis. Nous bifurquons dans un petit chemin caillouteux en pleine campagne. Le paysage est superbe. Meules de foin, charrettes, paysans rentrant les troupeaux. J’ai l’impression de feuilleter le vieil album photo de ma grand-mère…avec ses couleurs passées et des techniques d’agriculture d’avant  guerre. Tout cela a un petit goût suranné qui me déroute un peu puis qui exerce sur moi un charme évident.  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les amis de Virgile nous réservent un accueil royal ! Ils nous offrent un festin à 5h de l’après-midi ! Soupe de pâtes, préparation de potiron, viande, sauce… On fait connaissance comme on peut. Cécile parle allemand avec la bunica, (grand-mère en roumain) Diana, la fille, qui a notre âge, parle anglais, Viorel, le père, bredouille quelques mots de français mélangé au roumain qui est une langue latine, on s’en sort ! Diana nous fait la visite du village. C’est très convivial. On lance des « Buna ziua » à tout le monde ! Un peu d’escalade dans les monts qui bordurent le village, dégustation de pommes dans un verger, petite balade dans un bois, puis retour à la maison où un plat de mamaligua nous attend. (la mamaligua est le nom roumain de la polenta.) Ce sont des céréales que l’on déguste avec de la crème, du lait, du fromage frais. Ça tient bien au corps, et vu notre activité physique en ce moment, on mange toute notre assiette !

         

 Viorel nous fait écouter de la musique traditionnelle de la région, et nous raconte l’histoire de Vlad Basarab, plus connu sous le nom de Vlad Ţepeş, qui signifie «empaleur » en roumain. Ce prince du milieu du XVème siècle, est célèbre pour son extrême cruauté. On raconte qu’il empalait ses victimes, ce qui lui valut ce surnom. Vlad était néanmoins très respecté car il a gagné de nombreuses batailles, notamment un combat  important contre les Turcs. Son père, Vlad II, qui faisait partie de l’ordre du Dragon, lui a également transmis le surnom de Dracula. En Roumain, Dracula, c'est-à-dire, « fils de Dracul » signifie dragon et diable. Ironie de l’histoire, Vlad Ţepeş serait mort décapité et sa tête empalée sur un pic. C’est ce personnage qui inspira Bram Stoker pour son roman.

Après tout ça, nous sommes épuisées ! On nous a préparé une chambre. Ça me fait bizarre de dormir sur du moelleux ! On prend vite l’habitude de dormir sur le sol !

 

11 août

Après plusieurs jours passés chez les Ghenguiu, nous devons prendre la route ce matin. Avec Cécile, nous sommes bien décidées  à parcourir les Maramures, région réputée pour être l’une des plus belles du pays ! Pour arriver à Borsa, nous devons aller  jusqu’à la frontière ukrainienne, tout au nord, puis parcourir encore 100 km en redescendant en oblique vers l’est (il n’y a qu’une route).

 

13 août

Après deux jours de péripéties, de bus et de stop, nous sommes enfin à Borsa. Sur les hauteurs de la ville, a lieu un festival de musique. Des autochtones en costumes traditionnels se promènent un peu partout. Les gens posent facilement, sont souriants et ouverts. Nous prenons des photos avant que le festival ne commence officiellement. Les danses sont nombreuses. C’est intéressant, mais un peu long. Nous passons la soirée tranquille à notre campement à Borşa.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La campagne roumaine
tenues traditonelles roumanie

18 août

Nous avons quitté les Mamamures, et sommes maintenant en Bucovine ! On se réveille face au cours d’eau, la Moldaviţa avec le tintement des cloches des vaches. Notre présence n’a pas l’air de déranger les vachers. Après s’être lavées dans la rivière à l’abri des regards,  on se met en route pour Suceviţa. Nous rencontrons alors un couple de Roumains en  vacances qui s’étonne de voir deux filles seules sur les routes, loin de chez elles. Ils nous proposent de visiter les monastères de Bucovine, très réputés, en leur compagnie. Nous acceptons.              

La Bucovine déjà bien parcourue, notre objectif est maintenant de descendre vers Sighişoara, en pleine Transylvanie. Il est hors de question pour nos anges gardiens de la journée de nous laisser dans la nature ! Ils nous déposent à la gare de Vatra Dorneï vers 19h.

La tente
En roumanie

19 août

Nous sommes maintenant dans le train,  entre Cluj et Sighişoara. Il est 2h du matin. Nous traversons les Carpates sans vraiment nous rendre compte. Pas une lumière à l’horizon, rien que le bruit du train sur la voie. Nous pensions arriver à 7h30… On m’avait prévenue que les trains en Roumanie étaient très longs, cela ne m’avait donc pas surprise. A 7h30, le jour est levé ! Nous réalisons qu’il sera aux alentours de 3h du matin lorsque nous entrerons en gare… Nous allons débarquer en pleine nuit dans une ville inconnue. Il parait que le camping est au nord de la citadelle, qui est elle-même au sud de la gare. Merci la boussole, nous prenons donc une rue plein sud. Il y a toutes les chances pour que le camping soit fermé à cette heure, mais je me dis que l’on pourra sûrement faire le mur. Nous longeons un cimetière dans cette ville sensée être le lieu de naissance de Dracula… On se taquine avec Cécile, pas de vampire en vue ! Toutes les pensions sont fermées, il fallait s’y attendre ! Deux personnes arrivent à notre hauteur, on va pouvoir demander où aller. Euh… finalement non ! Ils ont vraiment des têtes de déterrés, et ce n’est pas que le fruit de nos imaginations !  On passe notre route, et on arrive en vue de la citadelle. C’est bien éclairé. Il y a de petites rues piétonnes, et des fêtards de début de week-end complètement saouls. On marche vite pour donner l’impression de savoir où l’on va. La tour de l’horloge sonne les trois coups. On l’aperçoit au fond d’une ruelle pavée, c’est vraiment beau. Je prends des photos. J’ai vraiment cru que Cécile allait devenir folle… Il est 3h du matin, nous ne connaissons pas la ville, ne parlons pas la langue, croisons clochards, alcooliques, un type louche avec une canne à pêche, nous ne savons pas où nous allons, et moi, je pense à prendre des photos !Mais autant profiter de ce que l’on a devant nous ! Ce n’est quand même pas toutes les nuits que je me trouve devant la citadelle de Sighişoara !

Tour de l'horloge

Une dame  nous paraît un peu plus « correcte » que les autres. On lui demande où on peut dormir à cette heure. Elle n’en sait rien et nous abandonne à la porte d’une pension. « It’s full » nous dit le tenancier. Il nous appelle un taxi, et commande au chauffeur de nous déposer au camping. Il explique aussi qu’il faut taper à la porte, il y a un gardien de nuit, il viendra nous ouvrir. La tente est plantée, et nous nous endormons enfin au lever du jour. La nuit est courte.

Vers 9h30, le soleil tape sur la toile, il fait trop chaud à l’intérieur, et puis, nous avons plein de choses à faire ! On découvre la citadelle dans une toute autre ambiance ! Le centre historique médiéval est calme et agréable à vivre. Du haut, on distingue les toits de la ville. On découvre aussi une taverne imposante, derrière la tour de l’horloge, sur laquelle une plaque est apposée. C’est là que serait né Vlad Dracul en 1431. Vers 13h, après un coca, pain, fromage et saucisson, on s’apprête à prendre un train pour Braşov, le château de Bran est à une trentaine de kilomètres de là. Nous trouvons une voiture qui nous y dépose. Le site est très beau. On plante la tente face à la rivière et aux Carpates.

 

Dès 9h le lendemain, nous avons déjà parcouru les 2 km qui séparent notre campement du château. On prend nos billets sans attendre, évitant la cohue des touristes. Vu de près, le château est encore plus impressionnant en haut de son piton rocheux. D’abord construit en bois par les chevaliers teutoniques au XIIIe siècle, le château fut brûlé par les Mongols en 1242. Reconstruit en pierre en 1377,  il est alors une base de défense. Il subira plusieurs améliorations, et sera transformé en résidence d’été à la demande de la reine Maria vers 1920.  Une partie du château est actuellement habitée par la famille de descendants indirects de Vlad Tepeş, les Van der Vlad. Si ce château est celui du roman, on ne sait pas vraiment si Vlad lui-même y a séjourné…

Chateau de Bran
Maison natale de Dracula

Après la visite, je profite une dernière fois des montagnes. Dans quelques jours nous serons à Bucarest, où nous prendrons un avion pour Paris.

D’écrire ces mots me plonge dans une réalité « bizarre »: aéroport, avion, Paris…Ce ne sont que des mots qui s’alignent sans que leur sens me soient immédiatement compréhensible. Je regarde à nouveau les montagnes… Jusqu’à me laisser absorber par leur contemplation… Jusqu’à retenir mon souffle…et c’est tout juste si le sol ne se met pas à trembler sous mes pas…J’éprouve une sorte de  nostalgie indescriptible…Le comte Dracula… et moi pouvons enfin dormir tranquilles.   

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